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Travestis vs personnes trans : petit guide de survie en terrain glissant

Introduction :

Il y a des sujets plus glissants qu’une salle de bain un lundi matin. Celui-ci en fait partie. Mais comme j’aime vivre dangereusement (et que j’en ai un peu ras-le-bol qu’on vienne me parler de lingerie en latex à 21h13 sur un forum censé être safe), je me suis dit qu’un petit article s’imposait. Objectif ? Démêler les fils, clarifier les concepts, casser les clichés, et accessoirement expliquer pourquoi, non, je ne suis pas une « travelo coquinou » (oui, on m’a déjà sortie celle-là, et non, ce n’était pas drôle).

Contexte :

Depuis que j’ai commencé à naviguer sur des forums liés aux questions de genre et de transition, j’ai été surprise – et un peu dégoûtée, soyons honnête – par le nombre d’hommes qui m’abordent comme si j’étais un personnage de film fétichiste. Et parmi eux, un sous-groupe bien particulier : les travestis. Ou plutôt, ce que j’appellerais les « travetis de carnaval ». Vous savez, ceux qui enfilent bas résille, mini-jupe ras-la-touffe et perruque rose fluo pour s’encanailler devant leur miroir le samedi soir. Spoiler : on ne joue pas dans la même équipe.

Définition des termes :

Une personne trans

C’est une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Une femme trans est une femme née avec un corps d’homme (même si j’ai horreur de cette phrase), et un homme trans est un homme né avec un corps de femme. Ce n’est pas un choix. Ce n’est pas une envie. Ce n’est pas un jeu. C’est une réalité profonde, douloureuse parfois, souvent incomprise, et pour beaucoup une lutte quotidienne. Et c’est pour la vie.

Un travesti (ou cross-dresser)

C’est quelqu’un (souvent un homme cisgenre) qui s’habille avec des vêtements associés au genre opposé – le plus souvent de manière ponctuelle, volontaire, dans un cadre privé ou sexuel. Parfois, c’est une performance artistique. Parfois, c’est un fétichisme. Parfois, c’est juste une envie de sortir de la norme. Et parfois, c’est carrément malsain quand ça franchit la frontière du respect d’autrui.

Drag queens (et kings)

Eux, ce sont les artistes. Le drag, c’est une performance. Une exagération du genre. Une caricature assumée. On est dans le show, le cabaret, la paillette. Certaines drag queens sont trans, d’autres non. Certaines sont juste là pour mettre le feu à la scène. Il ne faut pas tout mélanger.

Exemple concret pour différencier :

Tu veux savoir si tu parles à une femme trans ou à un travesti ? Pose-lui cette simple question :

« Tu portes de la lingerie ? » Et ensuite : « Ça t’excite ? »

Si la réponse est oui : travesti. Si la réponse est non : probablement une femme trans. Pour nous, ce n’est pas une question d’excitation. C’est un vêtement. Un besoin. Une évidence. Comme se brosser les dents. Voilà. (T’as vu, j’ai recyclé ta métaphore.)

Pourquoi je n’aime pas les travestis ?

Parce qu’ils brouillent les pistes. Parce qu’ils se baladent en mode hypersexualisé, caricatural, obscène parfois, et qu’ensuite, c’est nous – les femmes trans – qui devons ramer pour expliquer qu’on n’est pas pareilles. Que ce n’est pas un délire érotique. Que ce n’est pas un jeu. Que c’est notre vie. Qu’on n’a pas choisi. Qu’on a souvent tout perdu pour ça : travail, famille, amis, santé mentale. Et que ça ne nous fait pas rire quand un mec en talons de 15 cm vient nous expliquer qu’il « se sent femme »… entre deux orgasmes.

Un détour n’est pas une faute de trajectoire

Soyons claires. Il existe des femmes trans qui, avant de pouvoir se dire « je suis une femme », ont d’abord testé des vêtements dits féminins en cachette, en soirée, parfois même avec excitation ou honte. Ce passage par le travestissement n’est pas une faute. C’est parfois une étape.

Moi-même, je ne suis pas passée par là. D’autres si. Et je respecte ça.

Le problème, ce n’est pas le chemin. C’est quand on s’arrête à mi-parcours en prétendant être arrivé. Quand on joue à se travestir sans jamais assumer ce que cela implique chez soi, dans sa chair, dans sa vie.

Ce que je dénonce ici, c’est le travestissement utilisé comme fétiche ou comme jeu, puis projeté sur nous, femmes trans, comme si c’était ça, notre réalité. Non. On n’est pas toutes passées par là. Et ce n’est pas la finalité.

Nous avons chacun.e nos histoires, nos rythmes, nos hésitations. Il n’y a pas UNE bonne façon de devenir soi. Mais il y a une chose que nous partageons : l’aspiration à une vie vraie, digne, respectée. Et ça, c’est universel.

Quelques figures connues (pour situer le débat) :

  • Conchita Wurst : Drag queen, pas une femme trans.
  • Eddie Izzard : Comédien britannique, parfois en robe, parfois non, mais qui s’identifie comme une personne transgenre aujourd’hui.
  • Caitlyn Jenner : Femme trans. Transition médiatisée.
  • RuPaul : Drag queen iconique, mais homme cisgenre dans la vie.
  • Bilal Hassani : Chanteur·euse non-binaire, révélé·e par la télévision et l’Eurovision. Bilal incarne une fluidité de genre assumée : perruques, maquillage, robes, talons… mais sans jamais se revendiquer femme trans ou drag queen. Son expression est artistique, personnelle, mouvante. Iel n’entre pas dans les cases traditionnelles et c’est précisément ce qui fait sa force : une icône queer au-delà des étiquettes.

🎤 Christine and the Queens (Chris)

L’artiste Chris (Héloïse Letissier) – anciennement connue sous le nom Christine and the Queens – a ouvertement parlé de genre fluide. Initialement genderqueer, Chris a annoncé en 2022 s’identifier comme homme. Même si ce n’est pas exactement une transition trans classique, son parcours questionne et enrichit la réflexion sur les identités non binaires et trans.

Conclusion :

Ce n’est pas une guerre. Ce n’est même pas un procès. C’est juste un appel à la nuance. À la décence. Au respect. Quand tu abordes quelqu’un, demande-toi toujours : est-ce que je parle à une personne… ou à un fantasme ? Parce que les femmes trans sont de vraies personnes. Pas des projections. Pas des poupées. Et sûrement pas des clones de travestis lubriques. Merci d’ajuster vos lunettes.

Et si vous avez encore des doutes : non, les bas résille n’ont jamais été notre drapeau. Le nôtre, il est bleu, blanc et rose. Et il ne brille pas dans le noir.

— Enola 😘

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