Enola et le sport : entre justaucorps et jugements
Ah, le sport et moi… une histoire d’amour compliquée. Entre les maillots trop grands, les ballons fuyants et les vestiaires angoissants, j’ai longtemps cru que l’activité physique n’était pas faite pour moi. Mais comme dans tout bon film, il y a toujours un retournement de situation. Voici mon parcours sportif en tant que femme trans, entre sueur, rires et quelques faux pas.
🏃♀️ Mes débuts sportifs : entre ballons et bâtons dans les roues
Le football : une saison, un traumatisme
Mes parents, pleins de bonnes intentions, m’ont inscrite au foot. Une saison plus tard, je me retrouvais sur le banc, regardant mes coéquipiers courir après un ballon que je n’avais jamais réussi à apprivoiser. Le match qui s’est terminé par un 39-0 reste gravé dans ma mémoire… pour de mauvaises raisons.
Le volley-ball et le tennis de table : essais non concluants
Le volley-ball ? Trop de coordination. Le tennis de table ? Je suis restée non classée pendant des années. À l’école, courir autour du bâtiment était une épreuve, surtout quand je tentais de faire croire au prof que j’étais dans le même tour que les premiers. Spoiler : ça n’a jamais marché.
🧘♀️ La révélation : le yoga et moi
Stressée par le travail, mon médecin m’a conseillé le yoga. J’ai trouvé un cours à Liège, et là, surprise : j’étais le seul « mec ». Une occasion en or pour développer mon dressing de tenues sportives féminines : leggings, shorts, t-shirts… Je me suis vite intégrée, et j’adore le yoga. J’en fais toujours aujourd’hui.
🥾 La randonnée : marcher pour se retrouver
J’ai commencé par des marches de 5 km, puis 10, 15, 20… Aujourd’hui, je fais souvent entre 15 et 20 km plusieurs fois par semaine. J’en profite pour porter des tenues de randonnée féminines, souvent dans des couleurs flashy comme le rose. Parce que pourquoi pas ?
🏊♀️ La piscine : entre bulles et complexes
Nager, c’est sympa. On se met dans sa bulle, on fait des longueurs… Mais les tenues, c’est une autre histoire. Le maillot une pièce, c’est bien, mais cacher ce qu’on a entre les jambes, c’est compliqué. Et je n’ai pas encore de poitrine, donc les prothèses pour nager, c’est peu pratique. Une fois, je me suis retrouvée dans un espace wellness sans avoir vu le panneau « pas de maillot ». Gênant, mais heureusement, j’avais ma serviette.
🤸♀️ Gymnastique artistique et danse classique : des rêves réalisés
J’ai eu la chance de pratiquer la gymnastique artistique féminine avec une vraie gymnaste, merci Ambre ! J’ai aussi une collection de justaucorps qui ferait pâlir de jalousie n’importe quelle gymnaste professionnelle. Récemment, je me suis lancée dans la danse classique, un rêve. Ma prof m’a intégrée au cours filles, avec collants, justaucorps et chaussons roses. Elle me dit souvent que je suis motivée et que je progresse bien. Je regrette juste de ne pas avoir débuté plus tôt.
🧘♀️ Autres activités : pilates, stretching et bien-être
Je varie les plaisirs avec des activités centrées sur le corps et le bien-être : pilates, stretching… Ces disciplines, souvent considérées comme féminines, me permettent de me sentir bien, à ma place. Mes coachs et profs m’apprécient, et on rigole souvent pendant les cours. Comme cette fois où ma prof de yoga a dit : « Alors les filles, sur le ventre, le pubis bien ancré dans le sol… Heu, tu as aussi un pubis toi ? Heu, je n’en sais trop rien en fait, mais je vois ce que tu veux dire. »
🚫 Les sports que je n’aime pas
- Le foot : sans intérêt pour moi. Regarder 22 personnes courir après un ballon, non merci. Et je trouve ce sport très violent, avec peu de respect entre les joueurs.
- Le motocross : bruyant, pas très écologique. J’ai essayé, c’est physique, mais ce n’est pas pour moi.
- Les sports de combat : trop violents.
✅ Les sports que j’apprécie
- La danse classique : une discipline gracieuse et exigeante.
- La gymnastique artistique féminine : un mélange de force et de grâce.
- Le yoga, le pilates, le stretching : pour le bien-être du corps et de l’esprit.
🚪 Les vestiaires : entre zones de flou et zones d’ombre
Ah, les vestiaires. Ce lieu un peu étrange entre l’intime et le public, le social et le « mets-toi à l’aise mais pas trop ». Pour beaucoup, c’est juste une pièce où on enfile un short. Pour une personne trans, c’est une épreuve de funambule.
Adolescente, au lycée, je me changeais naturellement avec les filles. Personne ne posait de questions, et il n’y avait jamais eu de malaise. C’était simple, fluide, naturel. Puis un jour, on devient adulte, et les lignes se brouillent.
Je me souviens d’une coach de pilates, très gentille au demeurant, qui m’a demandé poliment si je pouvais me changer dans les toilettes. Il n’y avait qu’un vestiaire, et certaines clientes, souvent plus âgées, se sentaient « un peu mal à l’aise ». Ce n’était pas méchant, juste le reflet d’un monde encore pas tout à fait prêt.
Aujourd’hui, j’ai trouvé une stratégie : je viens directement en tenue, avec un survêtement par-dessus. Ni vue ni connue, façon gymnaste incognito. Et puis, soyons honnêtes, j’ai fini par relever un défi que toutes les jeunes gymnastes connaissent : aller faire ses courses en justaucorps. Oui, oui. Moi, Enola, au rayon fruits et légumes avec un justaucorps gris métallisé sous mon coupe-vent rose fluo. Les regards ? Peu importe. Je choisis mes bananes comme je choisis mes pointes : avec assurance et élégance.
Mais derrière l’anecdote, il y a quand même une vraie question de fond : où est ma place dans ces « espaces neutres genrés » ? La plupart du temps, je fais au plus simple, sans imposer ma présence, mais sans me cacher non plus. Un vestiaire, ce n’est pas qu’un lieu pour se changer. C’est un symbole de ce que la société tolère, accepte, comprend… ou non.
Un jour peut-être, on aura des vestiaires inclusifs, ou simplement une société assez détendue pour que chacun·e se change là où il ou elle se sent bien, sans que ça ne dérange personne. En attendant, j’ai appris à adapter ma garde-robe, mes trajets, et même mes horaires. Et franchement, les toilettes des salles de sport, ce sont les endroits les plus propres que je connaisse maintenant.
⚖️ Sports genrés : où en est-on ?
Il y a eu beaucoup de progrès, même si les équipes masculines et féminines sont souvent séparées. Par exemple, au tennis de table, une femme peut jouer dans une équipe homme, mais pas l’inverse.
🏁 Femmes en Formule 1 : entre pionnières et tragédies
La Formule 1, ce monde de vitesse et de virilité, a pourtant connu quelques femmes audacieuses qui ont su braver les stéréotypes et les dangers de ce sport extrême.
L’une des figures emblématiques est Maria Teresa de Filippis, première femme à piloter une monoplace de Formule 1. En 1958, elle participe à cinq Grands Prix, se qualifiant pour trois d’entre eux au volant d’une Maserati privée. Malgré les défis, elle ouvre la voie à d’autres femmes dans ce sport dominé par les hommes .
Dans les années 1970, Lella Lombardi marque l’histoire en devenant la seule femme à avoir inscrit des points en Championnat du monde de Formule 1. Lors du Grand Prix d’Espagne en 1975, elle termine à la sixième place, une performance encore inégalée par une femme à ce jour .
Plus récemment, Maria de Villota, fille de l’ancien pilote Emilio de Villota, intègre l’écurie Marussia en tant que pilote d’essai. En juillet 2012, lors d’essais aérodynamiques en Angleterre, elle est victime d’un grave accident qui lui coûte l’usage de son œil droit. Malgré une récupération courageuse, elle décède en octobre 2013 des suites de ses blessures.
Ces femmes, par leur détermination et leur passion, ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la Formule 1, rappelant que le courage et le talent ne connaissent pas de genre.
🏳️⚧️ Être trans dans le sport : défis et polémiques
Les difficultés personnelles
Porter des tenues très moulantes comme un justaucorps ou un maillot de bain, ce n’est pas évident. Il faut être à l’aise avec son corps, et mis à part deux ou trois petites exceptions, je le suis. Il existe des méthodes pour cacher ce qu’on a entre les jambes. Pour la poitrine, les prothèses doivent être bien maintenues avec une brassière de sport. En yoga, quand on se retrouve la tête en bas, il faut faire attention…
Les polémiques actuelles
Les personnes transgenres dans le sport font face à de nombreuses controverses. Par exemple, le Marathon de Londres a cessé d’utiliser la plateforme X (anciennement Twitter) en raison de la négativité croissante et des abus en ligne, notamment envers les coureurs transgenres.
Aux États-Unis, des politiques restrictives ont été mises en place, interdisant aux femmes transgenres de participer aux sports féminins, ce qui a suscité des inquiétudes quant à l’inclusion et au bien-être des jeunes athlètes trans.
📺 Documentaires et témoignages inspirants
Le sport, lorsqu’on est une personne trans, peut devenir un vrai champ de mines émotionnel et social. Heureusement, de plus en plus de voix s’élèvent pour partager leurs parcours, leurs victoires, mais aussi leurs luttes.
🟣 « Changing the Game » est un documentaire américain poignant (disponible sur Hulu) qui suit trois jeunes athlètes trans aux États-Unis, chacun dans un sport différent (lutte, course, ski de fond). On y découvre leurs parcours semés d’embûches, entre compétitions, discriminations et combats pour leur légitimité. C’est un bijou de sensibilité et de justesse, salué dans de nombreux festivals LGBTQ+.
🟣 « What it’s like to be a Transgender Athlete » : dans cette vidéo, GQ donne la parole à plusieurs athlètes transgenres qui racontent avec authenticité ce qu’il se passe dans les vestiaires, sur le terrain, ou encore dans les classements officiels. On y sent toute la complexité émotionnelle du sujet, mais aussi un vent d’espoir.
🟣 « Trans Athletes and the Fight for Inclusion » : un reportage immersif dans les coulisses de la compétition sportive au Canada, où les lois d’inclusion ont parfois une longueur d’avance. Les témoignages d’athlètes y croisent ceux des fédérations, dans un débat respectueux mais sans concession.
🟣 « Being a Trans Athlete in America » : un format plus journalistique mais tout aussi percutant, qui donne la parole à des jeunes trans américains qui vivent leur passion pour le sport tout en se heurtant à une législation de plus en plus hostile dans certains États.
Ces témoignages sont autant de fenêtres ouvertes sur la réalité de terrain. À travers ces récits, on découvre qu’au-delà de la performance, ce sont la visibilité, la dignité et le droit d’exister pleinement dans son corps qui sont en jeu. Et ça, c’est bien plus important qu’une médaille.
UPDATE : L’administration Trump a encore frappé ! 😢

— Enola 😘
Et toi, quels sont les sports que tu apprécies et que tu pratiques ?